Crapauds communs (Bufo bufo) © Ophélie Ricci

Mis à jour : 18/07/2022

Lors des soirs de février et mars, dans la campagne francilienne, alors que la route traverse un petit bois, ou longe une zone humide, il vous est peut-être déjà arrivé de tenter de zigzaguer pour éviter les crapauds et les grenouilles sautant un peu partout sur la route ? A cette époque de l’année, de nombreuses espèces d’amphibiens quittent leur cachette hivernale pour retourner vers la mare dans laquelle ils sont nés (ou parfois, dans une mare qu’ils ont visité après leur naissance), poussés par une force bien naturelle : le besoin de se reproduire ! Ce comportement migratoire très particulier a déjà fait l’objet de nombreuses études. La caractéristique principale de cette migration est qu’elle s’effectue en ligne droite, selon le chemin le plus court, car il vaut mieux être parmi les premiers arrivés à la mare pour accroître les chances de trouver un partenaire. Si un obstacle se trouve sur la ligne droite, il est franchi tant bien que mal. Les obstacles les plus fréquents, et les plus meurtriers, sont les routes. Cette mortalité touche une très grande partie des populations d’amphibiens, et tient une responsabilité importante dans le déclin des populations d’amphibiens constaté tant en Île-de-France que dans le reste du pays. Des études le long d’une portion de route traversée par les amphibiens ont montré qu’un trafic de 90 voitures par heure tuait 90 % des amphibiens. Une enquête participative coordonnée par l'ARB îdF a permis de cartographier plus de 200 sites d'écrasements en Île-de-France, dont une vingtaine paraissent particulièrement prioritaires.

Lors de la saisie d'observation d'écrasement dans GeoNat'îdF, pensez à bien signaler l'état biologique "Mortalité - collision route" ce qui permettra d'alimenter de futures cartographies mises à jour automatiquement !

Grenouille rousse © L. Dewulf

 

A quelle période les amphibiens migrent-ils ?

C’est à la fin de la période d’hibernation que grenouilles, crapauds, salamandres et tritons partent se reproduire : entre la fin du mois de janvier et la fin du mois d'avril, selon les espèces, avec un pic durant les 15 premiers jours de mars. La peau très fine et perméable des amphibiens les rend extrêmement dépendants de l’humidité lors de leurs déplacements terrestres : ils craignent beaucoup l’évaporation. Ce sont des animaux à sang froid, ce qui les oblige à investir beaucoup d’énergie dans la régulation thermique : les températures trop élevées ou trop basses ne leur conviennent pas. Les migrations ont donc lieu presque uniquement par conditions optimales. Pour la Salamandre tachetée, par exemple, 98 % des individus migrent lorsque la moyenne des températures sur 3 jours est de 5,5 degrés, et la pluviométrie de 4 mm/jour ! Les tritons et salamandre ont tendance à migrer plus tôt, parfois dès janvier, les grenouilles/crapauds un peu plus tard : dès que l’on a une nuit humide et une température en début de soirée proche de 10°C. D’une année sur l’autre, la migration peut ainsi avoir lieu plus ou moins tôt en saison, selon la douceur du mois de février (voire même du mois de janvier). Il arrive que la migration soit extrêmement concentrée : à Larchant (77), en 2010, les deux-tiers des migrateurs dénombrés tout au long de la saison ont traversé en 4 nuits ! Les crapauds et les grenouilles, après avoir pondu, repartent en sens inverse, et doivent de nouveau traverser la route ! A ce moment, la migration est plus diffuse, tant dans l’espace que dans le temps. Elle a lieu de mi-février à l'automne. En fin d’été, les têtards ayant accompli leur métamorphose effectuent eux aussi une migration, elle aussi beaucoup plus diffuse.

Crapauds commun © M. Zucca

Des dispositifs de sauvetage et d'aide à la traversée : crapauducs et crapaudromes

Grâce à l’action de nombreux bénévoles, des Parcs Naturels Régionaux, des associations et des collectivités (départements en particulier), des dispositifs de sauvetage des amphibiens existent déjà sur plusieurs sites d’Île-de-France. On distingue deux types de dispositifs : les dispositifs temporaires (crapaudromes) et les dispositifs permanents (crapauducs).

Les crapaudromes sont constitués d'une barrière en plastique tendues le long des routes pour empêcher les amphibiens de traverser et les diriger vers des seaux. Ils nécessitent une main d’œuvre importante : il faut venir chaque matin relevé les amphibiens tombés dans les seaux et les relâcher de l’autre côté de la route.

Les crapauducs sont des aménagements pérennes, permettant aux amphibiens de passer sous la route par des tunnels. Il nécessite une ingénierie très pointue : comment inciter les animaux à traverser dans les tunnels, alors qu’ils peuvent passer au-dessus, sur la route, à l’air libre ?

Savez-vous où ont été recensés les plus gros effectifs d’amphibiens en migration nocturne en Île-de-France ? …

… Aux portes de Paris, en forêt de Meudon. Ici, le long de la route qui sépare la forêt de l’étang d’Ursine, pas moins de 26 852 Crapauds communs et 1 263 Grenouilles rousses ont été dénombrés en 2001. Pas de dispositif ici, mais depuis 2001 : la route est simplement fermée à la circulation pendant la période de migration, grâce aux actions communesd’Ursine Nature et de l’ONF. Dans le même massif, la route forestière des étangs de Meudon et Villebon est égalementfermée pendant cette période, car on y observe quelques centaines de crapauds supplémentaires.

Le second site majeur est celui qui borde la réserve naturelle régionale du marais de Larchant (77), dans le PNR duGâtinais. Chaque année, environ 15000 amphibiens transitent par le crapaudrome dans les deux sens, en grande majorité des Crapauds communs. En 2008, une année record a permis d’intercepter pas moins de 28000 amphibiens, en faisant l’un des 10 sites les plus importants de France ! Depuis 2003, un crapaudrome était installé chaque printemps sur le site, mais en 2011, un crapauduc a été construit.

Le troisième site majeur se trouve à Guiperreux (78). Suivi par le CERF (avec la collaboration de la SPA) depuis 2006,il est en général traversé par 8000 amphibiens, jusqu’à 12000 certaines années. Il s’agit du premier site francilien pour le Triton palmé (jusqu’à 2700 en 2008). Aucun dispositif permanent n’a été installé à ce jour mais un crapaudrome est installé de février à avril depuis près de 10 ans. Les effectifs sont cependant en nette baisse depuis quelques années.

Le quatrième site majeur se situe également dans le massif de Rambouillet, sur la commune d’Auffargis (78), derrièreles Vaux de Cernay. Pilote en Île-de-France, un crapaudrome y existe depuis… 1994, grâce au suivi du PNR Vallée de Chevreuse et de nombreux bénévoles ! Environ 6000 amphibiens sont sauvés chaque printemps dans le crapaudrome pendant la migration aller (et presque autant au retour).

Le dernier est celui de Sorques (77), suivi depuis 1991 : un crapauduc a été mis en place en 1995 mais, depuis l'an 2000, un crapaudrome vient étendre le dispositif. Il est estimé que la moitié des effectifs totaux (3000 sur 6000) transitent par le crapauduc, la portion de route traversée étant assez étendue. Consultez la présentation de Sylvestre Plancke donnée aux rencontres herpétologiques d'Île-de-France en 2015.

On connaît d'autres sites munis de dispositifs de sauvetage :

  • à Croissy-Beaubourg (77), suivi par l’association RENARD depuis 2004 : environ 3000 individus par printemps sont sauvés par le crapaudrome.
  • à Condé-sur-Vesgres (78), l'association ATENA 78 met en place un crapaudrome en 2010 et 2011 (environ 1000 individus l'utilisent tous les ans) puis un crapauduc en 2012.
  • à Gambais (78), à l’étang des Bruyères, suivi depuis 2009 par diverses structures (PNR haute Vallée de Chevreuse,Atena 78, CERF, SPA, Naturabios, commune de Gambais) : environ 800 individus, dont près d’un quart de tritonspalmés, survivent grâce à l’installation d’un crapaudrome, mais les chiffres sont en hausse régulière et ont atteint 2413 individus en 2018.
  • à Châtres (77), le long de la RN 36, suivi par la Pie Verte Bio depuis 1990 : environ 1000 individus par printemps sauvés dans les rigoles d’écoulement des eaux.
  • à Saint-Nom-la-Bretèche (78), le long d’une route communale, suivi par l’Association des Amis de la forêt de SaintGermain et de Marly depuis l’an 2000 : environ 2000 amphibiens par printemps dans un crapaudrome mais il a étéremplacé par un crapauduc en 2009.
  • à Asnières-sur-Oise (95), un crapaudrome a été installé en depuis 2005 le long de l’étang du Grand Vivier par l’association « Sauvegarde Asnières-Baillon » : environ 1500 amphibiens par printemps échappent au risque de traverser la route.
  • à Sainte-Mesme (91), un crapauduc a été installé en 2003 afin de remplacer le crapaudrome mis en place chaqueannée depuis 1997.
  • à Ormoy-la-rivière (91), deux crapaudromes ont été mis en place en 2012 qui a permis de sauvés près de 200 Crapauds communs sur la D49, l'autre sur la route communale. Ces crapaudromes seront mis en place de nouveau en 2013.
  • à Dourdan (91), le Conseil Général de l'Essonne suit le passage des amphibiens sous la D116.
  • au Val Saint Germain (91), l'installation d'un crapaudrome permet à Natureessonne, avec l'aide du Conseil Général del'Essonne, de suivre les migrations d'amphibiens.
  • à Bouville (91), le collectif SOS Crapaud et le PNR du Gatinais ont installé un dispositif depuis le printemps 2014
  • à la frontière entre Fosses et Marly-la-ville, Les Amis de la Terre du Val d'Ysieux ont mis en place un crapaudrome qui a permis à près de 400 Crapauds communs de rejoindre leur étang sans encombre.
  • enfin, en forêt de Sénart (91), la route des Beausserons, entre Etiolles et Brunoy est fermée au printemps pourpermettre la migration des amphibiens. Mais le problème perdure sur la N6 voisine, et un crapauduc est en cours de construction au niveau de la Croix de Villeroy.
     

De nouveaux crapauducs en 2015-2016 !

La publication du Schéma Régional de Cohérence Ecologique, l'enquête sur les sites d'écrasements menée par l'ARB îdF, ex-Natureparif, et la volonté des collectivités locales ont conduit à la réalisation de nouveaux ouvrages de franchissement. Le département du Val d'Oise a été particulièrement actif sur le sujet, avec la création très récente de 6 crapauducs, ainsi qu'un septième par la communauté d'agglomération Seine et Vexin et le PNR du Vexin sur la commune de Lainville en Vexin ! Une étude poussée menée par l'IASEF a permis de hiérarchiser les enjeux d'écrasement dans le Val d'Oise en vue de la mise en place de dispositifs de sauvetage.

De nouveaux crapaudromes en 2017-2018

Dans le Val d'Oise, deux nouveaux crapaudromes ont vu le jour en 2018, à Marines et à l'étang de Marie tandis qu'en Essonne, un crapaudrome est désormais installé depuis 2017 à Morigny-Champigny (91), suivi par Naturessonne, et un autre à Auvers-saint-Georges, suivi par le PNR du Gatinais.

NB : Pour rappel, toutes les espèces d’amphibiens étant protégées sur l’ensemble du territoire national, une autorisation de capture est obligatoire pour leur capture et manipulation. Pour plus d'informations, consultez les aspects règlementaires concernant la manipulation d’amphibiens et de reptiles de France métropolitaine et d’Outre-mer sur le site de la SHF.