Orvet fragile (Anguis fragilis) © Françoise Serre-Collet | MNHN

Mis à jour : 18/07/2022

NB : Pour rappel, toutes les espèces de reptiles étant protégées sur l’ensemble du territoire national, une autorisation de capture est obligatoire pour leur capture et manipulation.

Deux méthodes d'observation coexistent pour la réalisation d’inventaires « reptiles » :

  • La prospection à vue
  • Le relevé de « plaques reptiles » encore appelées « plaques refuges »

La prospection « à vue » donne de bons résultats pour bon nombre d’espèces comme le Lézard des murailles, le Lézard vert, la Vipère aspic et la Couleuvre à collier. Elle nécessite cependant une certaine habitude, en particulier pour la détection des serpents. Pour une vipère qu’on observe en thermorégulation lovée en plein soleil, il y en a sans doute quatre discrètement tapies, au pied d’un buisson ou dans une touffe d’herbe, et dont quelques centimètres carrées d’écailles seulement sont visibles !

D’autres espèces, comme la Coronelle lisse, l’Orvet fragile et la Couleuvre d’esculape, sont particulièrement discrètes et ne se montrent que rarement  à découvert. Afin de faciliter leur détection, les « plaques refuges » ou « plaques reptiles »  constituent alors un outil indispensable.

Quelle que soit la méthode utilisée, il faut retenir que les besoins thermiques des reptiles sont surestimés par le grand public, qui garde généralement le souvenir du serpent qu’il a observé en plein été, lové au milieu d’un chemin, en plein soleil. Ce type de comportement est relativement rare pour un serpent. Pourtant, ces observations sont souvent les seules qui viennent à l’esprit des amateurs de nature non spécialistes des reptiles. Ce phénomène biaise considérablement la perception des conditions favorables à leur rencontre.

En réalité, un reptile soumis à une température trop faible va avoir une activité réduite. Un reptile soumis à une température trop élevée va rapidement… mourir ! De façon peut être schématique, on peut dire que la majorité des reptiles d’Île-de-France supporte mal une température supérieure à 30° mais qu’une partie peut être active dès 12°. Au sein de cette plage, les reptiles rechercheront des températures adaptées à leurs besoins biologiques du moment (gestation, digestion, etc.).

Les reptiles recherchent donc des micro-habitats dans lesquels ils peuvent, avec un minimum de déplacements (quelques mètres), trouver facilement une zone où la température leur convient. Et ce, quelle que soit l’heure de la journée et pour des conditions météorologiques variables. Ces micro-habitats doivent de plus être munis de nombreuses cachettes.

Ainsi, les reptiles affectionnent particulièrement les zones de lisière entre milieux ouverts (places de thermorégulation, zones de nourrissage) et milieux arbustifs ou boisés (zones refuges). Les pieds de haies ou de bosquets en contact avec un milieu prairial constituent donc des habitats de choix, ainsi que les abords de voies ferrées (désaffectées ou non), les carrières désaffectées, les terrains vagues,  les anciennes décharges (y compris sauvages). La présence de pierriers, vieux murs, ou encore les tas de végétation est appréciée de nombreuses espèces.

Ces remarques sont à prendre en compte aussi bien pour les inventaires effectués à l’aide de « plaques reptiles » que pour les prospections « à vue ».

 

La prospection à vue - conseils de prospection

Lézard à deux raies (Lacerta bilineata) © Françoise Serre-Collet | MNHN

La recherche des reptiles « à vue » est réputée difficile et souvent peu fructueuse. Mais quelques règles simples permettent d’augmenter grandement l’efficacité des prospections.

En premier lieu, il est crucial de ne pas surestimer les besoins thermiques des reptiles : avec du soleil et une température ambiante de 20°, une température supérieure à 30° est très rapidement atteinte au sol. Vos chances d’observer un reptile diminuent alors très fortement, car globalement la majorité des espèces franciliennes apprécient une température au sol comprise entre 20° et 28°. Il faut donc choisir des journées ensoleillées mais fraiches au printemps, ou encore couvertes en été. A défaut, on prospectera le matin de bonne heure ou en fin d’après-midi.

En revanche, les journées très venteuses rendent la thermorégulation plus difficile pour les reptiles, même s’ils sont très habiles pour trouver des petites « niches » au sol, à l’abri des courants d’air.

Pour évaluer rapidement la température du sol, on peut se munir d’un thermomètre infrarouge qui a l’avantage de fournir une mesure instantanée. On peut se procurer cet appareil pour environ 25 euros sur internet.

Il faut ensuite rechercher les reptiles au bon endroit : les milieux bordiers exposés sud-est, sud ou sud-ouest pourvus d’une végétation dense. Pour déterminer si une lisière de forêt, une haie ou un fourré constitue un milieu attractif pour un reptile, on utilisera le critère suivant : si on peut rentrer dans la forêt, dans la haie ou dans le fourré, n’importe quel prédateur de reptiles le peut aussi, et donc aucun reptile ne s’y sentira en sécurité ! Plus il y a de ronces, de genets ou de buis, etc. plus le milieu est favorable.

Il faut noter que même si certaines espèces peuvent investir des branches basses (les vipères par exemple) et que d’autres grimpent remarquablement bien (comme la Couleuvre d’esculape), l’immense majorité des observations se font au sol. D’autre part, les serpents observables en Île-de-France ne s’exposent généralement pas en thermorégulation à plus de quelques dizaines de centimètres d’une cachette (généralement moins de 30 cm). Il faut donc inspecter méticuleusement les abords des cachettes potentielles : buissons denses, tas de pierre, tas de bois, pieds de haies denses. On peut également soulever tout ce qui peut constituer un abri : morceaux de bois, grosses pierres, etc.

Il est indispensable de marcher lentement. Une lisière se parcourt à 1 km/h, voir beaucoup moins lorsque le milieu est particulièrement favorable. Le pas doit être très léger car les reptiles sont sensibles aux vibrations du sol.

Par ailleurs, les reptiles sont des animaux très cryptiques, et même les grands serpents sont très difficilement observables à plus de quelques mètres. Dans de nombreux cas, le prospecteur ne voit le reptile qu’une fois qu’il est à ses pieds. Son regard doit donc balayer le sol entre les pieds et 5 mètres maximum en avant de sa progression.

La progression doit se faire si possible avec son ombre derrière soit : un reptile en thermorégulation vous détectera particulièrement bien si vous lui cachez le soleil !

Enfin, lorsque l’on entend un petit animal s’enfuir, on peut patienter sans bruit et immobile : si c’est un reptile, il y a de forte chance pour qu’il revienne à la même place au bout d’une dizaine de minutes.

En résumé, pour des prospections fructueuses, il faut :

  • choisir des journées pas trop chaudes, si possible sans vent
  • inspecter les milieux bordiers impénétrables par l’homme
  • marcher très lentement, d’un pas léger
  • balayer du regard une zone comprise entre ses pieds et 5 mètres en avant
  • faire attention à son ombre
  • être attentif aux bruits.

 

Les plaques refuges

Plaque © Olivier Massard

Les quelques conseils ci-dessous devraient permettre à tout un chacun de réaliser des inventaires aisément à l’aide de plaques et de façon assez peu contraignante.

Les « plaques refuges » sont utilisées par les reptiles pour la thermorégulation. Les orvets et serpents ont pour habitude de se réfugier dessous pour profiter de la chaleur accumulée tout en étant à l’abri des prédateurs. Les lézards, quant à eux, viennent régulièrement profiter de la chaleur sur ces plaques, plus rarement dessous. Les observations sont donc réalisées à distance pour les lézards ou en soulevant la plaque pour les orvets et les serpents.

Afin d’optimiser l’attrait de ces plaques, plusieurs facteurs sont à prendre en compte :

  • Emplacement : les plaques doivent être positionnées sur des zones favorables aux reptiles. Elles sont placées au contact immédiat d’une zone pouvant constituer un abri naturel pour les reptiles : buisson dense, haie, lisière de forêt broussailleuse, tas de bois ou de pierres, etc.
  • Ensoleillement : elles doivent pouvoir recevoir un ensoleillement important au cours de la journée, il est donc inutile de les positionner à l’ombre d’un boisement dense ou d’une haie.
  • Exposition : toujours dans un souci d’optimisation, les plaques doivent être orientées afin de profiter d’un maximum de soleil dans la journée : une orientation sud semble donc idéale. Mais L’orientation des plaques dépend aussi des horaires envisagées pour les relevés : si on envisage la fin d’après-midi, une orientation sud-ouest voir ouest peut être retenue. Une orientation sud-est peut être un bon choix si les relevés sont plutôt réalisés le matin.

Les reptiles ne supportent pas les températures trop élevées, qui peuvent leur être fatales. Ce phénomène est à prendre en compte lors des relevés : des plaques situées en plein soleil depuis de nombreuses heures seront assurément désertées par leurs occupants lors des chaudes journées. Ainsi, les relevés de plaques seront souvent plus fructueux lors des journées ensoleillées mais fraiches du printemps ou lors des journées couvertes en été.

Une méthode alternative peut être d’installer les plaques dans des niches naturelles d’un buisson ou d’une haie, afin qu’au fil de la journée il y ait toujours une partie de la plaque à l’ombre et une partie ensoleillée. Il y a ainsi toujours sous la plaque une zone chaude et une zone plus froide. Les occupants peuvent ainsi conserver, par de faibles déplacements une température conforme à leurs exigences. C’est bien entendu plus facile à faire lorsque les plaques sont de grandes dimensions.

Plusieurs types de matériaux peuvent être utilisés : plaque de caoutchouc (tapis de convoyeurs utilisés par les carriers, par exemple), tôle métallique, plaque de fibro-ciment, plaque en bois… N’importe quel matériaux peut convenir, mais pas forcément avec toutes les conditions météorologiques. Une plaque de tôle sera efficace lors d’une journée nuageuse mais sera vite un véritable four en plein soleil,  contrairement à une plaque en bois. Il convient donc à l’observateur de faire son choix en fonction des ressources disponibles, du poids, d’un recyclage éventuel…

La taille de ces plaques peut être variable. De petites plaques permettent souvent de détecter des juvéniles de serpents ou des orvets. Pour les serpents adultes, une surface minimum paraît nécessaire : 80cm x 80cm, 100cm x 60cm… Une règle facile à retenir est qu’une plaque présentant une diagonale d’un mètre sera plus efficace pour détecter les grands serpents comme la Couleuvre d’esculape.

Afin de garantir un accès aux différentes espèces sous la plaque, des branches ou quelques petites pierres sont positionnées pour la surélever de quelques centimètres par rapport au sol.  Ceci n’est pas utile si la plaque présente naturellement des accès (plaque de tôle ondulée ou plaque de fibro-ciment, par exemple).

La fréquence des relevés est surtout liée aux disponibilités des observateurs. Les reptiles ne sont pas perturbés par le relevé « non stressant », pour lequel on se contente de soulever la plaque doucement par un des côtés, de compter ce qu’il y a dessous, et de prendre quelques photos, en quelques dizaines de secondes. Des relevés hebdomadaires sont alors possibles sans conséquences sur les reptiles.

En reposant la plaque, on fait preuve de douceur afin de ne pas écraser les animaux. Dans certains cas, on peut découvrir un spécimen atypique et difficile à identifier, ou dans une position rendant une prise de vue difficile. Le relevé des plaques s’éternise donc au point que les reptiles présents commencent à se déplacer. Il est alors nécessaire d’attendre que les animaux soient partis dans les buissons contigus à la plaque pour pouvoir la reposer sans risque d’écrasement.

Les morsures lors de ces relevés sont hautement improbables si on ne tente pas de saisir les animaux (rappelons que la capture est  interdite par la loi) mais il peut être rassurant pour l’observateur de se murir de gants de cuir.

En conclusion, il faut retenir que :

  • le matériau utilisé n’est pas un paramètre critique, mais il influe sur les conditions météorologies optimales pour les relevés.
  • la taille de la plaque n’est pas non plus cruciale, mais si on le peut, des diagonales supérieures ou égales à 1 mètre seront choisies. Il est cependant préférable de poser une petite plaque et de ne détecter que de petits reptiles (orvets et juvéniles de serpents) que pas de plaques du tout !
  • l’ensoleillement doit être important mais si une partie de la plaque est à l’ombre, ce n’est pas grave, bien au contraire, cela permet des relevés aussi lors des journées plus ensoleillées.
  • la plaque doit être en connexion directe avec des micro habitats favorables aux reptiles. Une plaque posée au milieu d'une prairie ne sera sans doute jamais colonisée.